Femme : la matrice vivante d’une société à reconstruire
- Yana Mbenda Edimo

- 12 juin
- 3 min de lecture

Je suis l’héritière d’une lignée de femmes qui n’ont jamais appris à se soumettre aux lois de la résignation. Des femmes qui, dans le silence des foyers, dans l’ombre des champs, dans la discrétion des douleurs, ont tenu debout les colonnes vacillantes de notre société. Mon engagement ne commence pas dans une salle de prière, une arène politique ou une conférence internationale. Il commence dans une cuisine, un champ, un regard. Il commence dans l’histoire de mes racines.
Elles n’avaient ni diplôme ni titres, mais leur sagesse était sacrée. Elles connaissaient les saisons de la terre et les saisons de l’âme. Ma mère, femme de prière et de patience, m’a appris qu’on peut perdre un combat sans jamais perdre sa dignité. Elle m’a transmis des valeurs qui ne fléchissent pas devant la modernité : l’honneur, le courage, la foi, et surtout, la fidélité à soi-même.
Ces femmes de ma lignée ne m’ont pas seulement appris à marcher. Elles m’ont appris à résister, à penser, à créer. À ne jamais faire de compromis avec les valeurs qui abîment l’âme. À ne jamais m’incliner devant des systèmes qui refusent la vie. Elles étaient, sans le dire, des théologiennes du quotidien, des stratèges du cœur, des prophétesses silencieuses.
Porter la vie, c’est porter l’avenir
Être une femme, ce n’est pas seulement enfanter dans la chair. C’est porter la vie dans toutes ses dimensions : sociale, morale, spirituelle, politique. C’est savoir écouter ce qui ne se dit pas, soigner ce qui ne saigne pas, bâtir ce que l’on ne voit pas encore.
L’Afrique n’a jamais été dépourvue de grandes figures féminines. Mais leurs noms, souvent, n’ont pas survécu aux bibliothèques du pouvoir. Pourtant, certaines ont traversé le temps, comme des éclats de mémoire sacrée. Abla Pokou, reine de courage et de sacrifice, qui choisit de sauver un peuple au prix d’un arrachement de mère. Kimpa Vita, prophétesse du royaume du Kongo, qui osa rappeler à son peuple que Dieu n’était pas un étranger blanc, mais une présence vivante en chacun de nous. Elles ont été brûlées, trahies, effacées. Mais jamais réduites.
Ces femmes sont nos racines. Elles sont les prémices d’une autre manière d’être puissante : non pas par domination, mais par incarnation. Non pas en imitant, mais en révélant.
Ce que l’Afrique attend : des femmes qui assument leur verticalité
Aujourd’hui, l’Afrique traverse un moment critique de son histoire. Une crise d’âme, autant qu’une crise de leadership. Dans un monde qui tente de nous uniformiser, où la superficialité fait souvent office de programme politique, il devient urgent de proposer autre chose.
Nous, les femmes, ne demandons pas à “être intégrées”. Nous n’attendons pas qu’on nous donne une voix. Nous sommes la voix. Une voix enracinée dans la mémoire, dans la terre, dans la douleur et dans la vision.
La reconstruction morale, spirituelle et politique de l’Afrique ne se fera pas sans les femmes. Pas seulement parce que nous sommes la moitié de l’humanité, mais parce que nous portons en nous une autre manière d’exister. Une autre manière d’aimer, de gouverner, de servir.
Ce texte est un appel. À celles qui doutent, à celles que l’on a réduites au silence, à celles qu’on a fait asseoir au nom de la tradition ou de la modernité : relevez-vous. Le continent n’a pas besoin de femmes décoratives. Il a besoin de femmes qui dérangent, qui interrogent, qui incarnent, qui transforment.
Il a besoin de femmes debout, comme des colonnes dans le temple de demain.


























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