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Modernes, oui. Amnésiques, non: sauvons nos langues
- Yana Mbenda Edimo

- 21 nov.
- 3 min de lecture

Il y a dans chaque peuple un souffle, une musique, un rythme. Le Cameroun, lui, en possède plus de deux-cent, et pourtant, ironie du siècle, nous avons réussi à faire de cette richesse une parenthèse culturelle. Presque un caprice folklorique qu’on brandit uniquement lors des cérémonies officielles, juste après l’hymne national. Je me demande souvent comment nous, peuple si fier de nos origines, avons pu passer autant de temps à enseigner le français, l’allemand et l’espagnol, tout en nous excusant presque d’enseigner nos propres langues. Comme si l’identité devait passer par une assimilation linguistique.
Nos langues: pas un patrimoine, une fondation
Certes, la modernité a ses exigences mais ce que nous oublions trop souvent, avec une élégance qui frôle le comique, c’est qu’une langue, ce n’est pas un accessoire de tradition. C’est un système de pensée, une manière de structurer la réalité. Une langue maternelle, ce n’est pas seulement un son, c’est une posture intérieure. C’est ce qui te dit comment tu te tiens face au monde. Alors oui, je le dis calmement, un Cameroun qui oublie ses langues, c’est un Cameroun qui oublie sa capacité à se penser lui-même.
Un enseignement à repenser profondément
Dans mon ouvrage Rebâtir le Cameroun par nos racines, je propose une réforme profonde:
1. Remplacer l’allemand et l’espagnol
Non pas parce que ces langues ne sont pas intéressantes, mais parce que la priorité nationale devrait être justement nationale. Pourquoi apprendre Goethe avant de découvrir la poésie Bassa ? Pourquoi réciter Cervantes avant de connaître la sagesse Bamoun ? Il ne s’agit pas d’interdire, il s’agit simplement de replacer les priorités au centre.
2. Introduire les langues nationales dès la maternelle
Parce que c’est à trois ans qu’on absorbe le mieux les langues. Ce que l’enfant apprend dans sa langue maternelle, il le retient avec son cœur avant sa tête.
3. Un apprentissage croisé entre régions
Un élève de l’Ouest peut apprendre le Duala, un élève du Centre peut apprendre le Fufuldé, un élève du Littoral peut découvrir l’Ewondo. La diversité n’est pas un risque, c’est un vaccin contre l’ignorance.
4. Créer un baccalauréat avec options linguistiques camerounaises.
Que nos langues deviennent non seulement enseignées, mais examinées, valorisées, certifiées.
Que parler sa langue ne soit plus une marque d’arrière-village, mais une compétence reconnue, une fierté assumée.
Ce que nous gagnerons en retrouvant nos mots


























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